Chaque vendredi au cours du mois à venir, je vous donne rendez-vous ici pour vous dévoiler les coulisses d’une photo.
Cette semaine, je vous invite à plonger (au sens propre comme au figuré) au cœur de la série « Périscopes ». La photo ci-dessous est la première représente de cette série, démarrée en 2016.
Cette technique de prise de vue mi-air, mi-eau m’a été inspirée en observant certaines photos de surf, sur lesquelles on pouvait voir une vague obstruer en partie l’objectif du photographe au moment d’immortaliser un moment de glisse. J’ai vu dans ces « incidents » de timing une idée de prise de vue novatrice, permettant de sortir du cliché de l’étrave fendant la vague, et d’offrir une autre vision des forces en présence.
Je me souviens de cette journée de shooting organisée au large de Porspoder au pied du phare du Four. Des amis m’accompagnaient pour l’occasion à bord de mon tout premier semi-rigide, affectueusement dénommé « Sweetie III ». La mer était agitée (plus de 90 de coef) ; on parlait d’une marée de vives eaux. Complètement immergé dans l’eau et équipé de mon caisson flambant neuf (constitué principalement d’une grande bulle transparente et de flashs sous-marins), je me laissais dériver, attendant le moment opportun. Mes assistants du jour me suivaient de près avec le bateau pour assurer ma sécurité.
Il faut dire que cette technique de prise de vue est particulièrement compliquée. Elle réclame une approche méticuleuse et beaucoup d’huile de coude et de patience pour nettoyer la bulle, qui se recouvre très vite de gouttes. La mise au point se révèle par ailleurs capricieuse ! L’utilisation de flashs sous-marins permet d’harmoniser les hautes et basses lumières (venant du ciel et des fonds marins). Grâce à ces jeux de contraste, la matière se trouve densifiée, et il devient alors passionnant de jouer avec la chromie, la profondeur de champs… La précision est de mise pour obtenir un certain piqué sur le sujet et une approche 3D immersive.
Pour ma part, je trouve cette photo apaisante. Le ciel raconte lui aussi quelque chose (les ciels bleus m’ennuient profondément, mis à part lorsqu’ils sont traités en noir et blanc) avec un léger voile, probablement révélateur d’un récent trafic aérien. C’est un très beau souvenir.
Quelques mois plus tard, je reproduisais cette technique pour immortaliser l’Abeille Bourbon, avant de renouveler l’expérience au contact d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins.
La série « Périscopes » s’est ainsi construite au fil des années, incarnant un long travail de collecte, avec la réalisation de seulement quelques clichés par an. Mon dernier livre d’art, « Carènes, Acte II » consacre d’ailleurs un chapitre entier à cette série, avec la présentation de plusieurs images inédites.