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Ce vendredi, nous nous retrouvons pour notre quatrième et dernier rendez-vous consacré aux dessous de mes images de mer. Pour clôturer cette série, je vous propose de revenir sur une photographie chère à mon cœur, et certainement l’une des plus singulières qu’il m’ait été donné de faire : celle d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), au large de Brest…

Le shooting se déroulait à environ 30 milles des côtes finistériennes (soit une cinquantaine de kilomètres). Un officier sous-marinier avait embarqué sur mon semi-rigide pour encadrer les manœuvres et veiller au respect des consignes de sécurité.

La lumière extérieure était assez plate et très forte. Loin de l’effervescence du goulet, j’ai pu poser mon objectif pour laisser venir le sujet et tenter une approche graphique en interposant la petite houle du large autour du massif du sous-marin (aussi appelé kiosque ou cathédrale). Je shootais au 800mm, à main levée. Alors que la bête se rapprochait, les barres de plongée sortaient progressivement du cadre. A bord, c’était l’effervescence et j’ai continué de shooter avec la sensation que mon sujet pénétrait de plus en plus dans ma zone de confort. A travers l’objectif, je découvrais les reflets de l’eau se dessiner sur le pont dans des écoulements laminaires. Mais je n’ai pas eu le temps de m’éterniser. Il devenait urgent de dégager de la route du sous-marin pour assurer notre sécurité.

J’ai posé mon boîtier pour laisser passer cette masse de 14 000 tonnes dans un silence sidérant. Le bruit de la bête était couvert par le faible ronronnement de mon petit moteur hors-bord, qui tournait au ralenti. La sonnerie de mon téléphone a alors retenti. C’était le commandant en second qui m’appelait depuis le bord du sous-marin, me demandant comment se déroulait le shooting. Un moment rare et empreint de reconnaissance, que je ne suis pas près d’oublier.

Je n’ai pas tout de suite perçu la magie de cette photo, où l’on devine sur le pont le reflet des barres de plongée. Si l’on se penche vraiment sur l’image, on observe même un petit point couleur pastel, représentant la figure du commandant de bord. Cette photo a emporté un franc succès en galerie d’art, auprès d’un public néophyte en matière de sous-marins. Beaucoup y ont vu le dos d’un animal marin, offrant à mon travail une nouvelle sémantique autour des baleines, du rorqual et de l’épaulard. C’est d’ailleurs pour ces raisons que cette photo s’appelle « Moby Sub », en référence au célèbre cachalot blanc qui a longtemps hanté les nuits du capitaine Achab…

C’est l’une des dernières sorties au large au cours desquelles j’ai pu photographier un sous-marin. Il me tarde de renouer avec le sujet et les idées foisonnent déjà dans mon esprit ! J’aspire notamment à croiser la route d’un autre monstre marin : le SNA Suffren.